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ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83
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ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83
ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83
ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83

Plus de trois décennies après sa liquidation dans des circonstances toujours non élucidées, Sankara et la Révolution d’Août 1983 dont il était le leader charismatique continuent d’inspirer bien de scripteurs, dans et en dehors des frontières nationales.

Valère Somé (Thomas Sankara, l’espoir assassiné), Senem Adraiarimano (Il s’appelait Sankara), Bruno Jaffré (Thomas Sankara), André Sy Traoré (Chaînes de libérations), Chaïbou Dan-Inna (Une vie de cent carats), Lydie Stéphanie Mamiaka (Le Rêve brisé du commandant poète), pour ne citer que ceux-là sont des exemples patents d’auteurs dont les œuvres ont justement pour toile de fond la Révolution sankariste. 

Mais de tous ces écrits et récits consacrés à la révolution burkinabè, peu l’ont envisagée sous le biais de la fiction romanesque. C’est le pari qu’a tenu Théodora de Kiri-Tenga de son vrai nom Marie Bernadette Tiendrébéogo. Elle signe ainsi, avec Le Sceau des Révolutions, son come-back sur la scène littéraire après une décennie d’absence, c’est-à-dire après la publication de son huitième ouvrage, Mon nom est Touinsida, en 2008.  

Après donc une décennie de retraite littéraire, Théodora-de-Kiri-Tenga renoue avec la plume par devoir de mémoire. Pour cette fille d’instituteur licencié, il s’agit donc, comme dans le cas du génocide rwandais, d’écrire pour témoigner. Témoigner d’une des pages les plus mémorables mais aussi les plus les troubles de notre histoire socio-politique : « Se taire, dit-elle, c’est tourner la page de l’histoire, se voiler la face et continuer le cours de la vie comme si de rien n’était » (cf. Note de l’auteur).

Comment écrire une histoire sur la révolution alors qu’on est soi-même concerné et au 1er degré ? Comment dire une révolution dont beaucoup d’actants (adjuvants comme opposants) sont encore vivants et qui relève encore quelque peu du tabou ? Mais la littérature, comme disait Nathalie Carré (2003 : 18), n’a pas à être morale, elle est en droit de tout explorer mais elle doit réfléchir de façon éthique à la question du dire. Telle est sans doute l’équation à plusieurs inconnus que devait résoudre la romancière : Comment dire, écrire la révolution ? 

ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83
ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83
ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83
ÉCRIRE LA RÉVOLUTION D’AOÛT 83

Le narrateur en donnant la parole autant à des « pro » qu’à des « anti » (révolutions) réussit quelque peu à équilibrer son récit. Malgré tout, Le Sceau des Révolutions est un récit grave. En effet, au-delà de s’ouvrir dans la douleur (avec Clothilde, l’héroïne, seule en proie à toutes les difficultés de la vie : son mari, Saturnin, n’étant plus qu’une loque humaine depuis son licenciement pour fait de grève) et de se clore dans la même douleur (Clothilde se retrouve encore plus seule avec la "mort physique" de son homme qui socialement n’existait plus déjà), soulève des questions graves et éminemment philosophiques.

Précisément, au-delà des acquis de la Révolution sankariste, (et même des autres Révolutions chinoise, russe, cubaine, etc.) qu’on ne peut nier et que le narrateur ne nie pas, l’une des questions existentialistes que pose, en filigrane, l’ouvrage est : Peut-on poursuivre des buts nobles avec moyens ignobles (notamment avec les exactions et innombrables abus des Comités de défense de Révolutions faits de vols, de viols et de violence tous genres)?

Un des principes raëliens veut justement qu’aucune cause dans l’univers ne justifie la mort d’un être humain (Raël, 2003 :144). Le monologue de l’héroïne que rapporte le narrateur omniscient semble aller dans le même sens : « Clothilde aurait voulu rencontrer ce père de la nation, ce révolutionnaire qui avait fait tant de mal pour lui demander pourquoi avec d’aussi bonnes idées, il avait détruit des familles et bouleversé des vies, suscité d’autres révolutions dans la société. Elle, Clothilde avait perdu l’amour de son mari, raté l’éducation de ses enfants, manqué l’amour des voisins. Sa famille s’était disloquée. Elle voulait qu’il se réveille pour lui demander le pourquoi et le comment » (pp.209-210).

L’autre question que pose sans poser le roman (prétérition) est celle de la foi, de son utilité. Pour atteindre le bonheur, l’objet de sa quête, Clothilde fait feu de tout bois. Elle est d’un pragmatisme religieux redoutable ! De musulmane (Awa), elle devint chrétienne (Clothilde) pour se marier. Pour faire réintégrer son mari dans sa fonction (son bonheur en dépend !), et face à l’impuissance des neuvaines et autres intercessions, elle se tourne vers les ancêtres.

En dépit de ses efforts, ses différentes tentatives spirituelles se révèlent incapables à construire et à consolider son bonheur !  C’est à se demander à quoi sert la foi, sa foi.    L’un des mérites de l’auteur, c’est justement d’amener le lecteur à réfléchir et à s’interroger sur des questions qui semblent aller soi.   Adamou L. KANTAGBA

Tag(s) : #Critique littéraire, #Création littéraire
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