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REPENSER LE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE : PLAIDOYER POUR UNE APPROCHE HOLISTIQUE III
REPENSER LE DEVELOPPEMENT EN AFRIQUE : PLAIDOYER POUR UNE APPROCHE HOLISTIQUE III

c- Les contre-performances économiques et sociales, les défaillances étatiques et l’avènement des Programmes d’ajustement structurels (PAS) en Afrique.  

Le début des années 80 marque un constat d’échec économique et social dans les pays d’Afrique au Sud du Sahara indépendamment des différentes options de développement (crise de l’endettement, forte inflation, faible croissance économique, faibles indicateurs socio-économiques etc.)

Les systèmes de transition vers le capitalisme se sont essoufflés. L’expérience de la Côte-d’Ivoire en est un exemple illustratif.  En effet, ce pays a connu un taux de croissance de son économie de l’ordre de 7% l’an au cours de la période 1960-1980. Cependant, le coût d’opportunité de cette forte croissance économique a été une dégradation accélérée des actifs environnementaux : en 1960, la superficie de la forêt dense humide ivoirienne[1] était estimée à 8,4 millions d’ha. En 1980, cette superficie était évaluée à 2,6 millions d’ha et en 2000, elle était estimée à 1,35 millions d’ha, soit une réduction de plus de 83,41% en 40 ans.

En Afrique, l’économie socialiste la plus représentative a été celle d’un pays comme l’Algérie. Cette expérience de développement n’a pu être un modèle efficient à l’instar des pays socialistes de L’Europe de L’Est. On peut citer également citer l’expérience socialiste du Mali qui n’a pu être menée à terme ou celle du Bénin plus-tard qui n’a pas connu de succès non plus.

Les options de développement basées sur le socialisme africain n’ont pas donné des résultats probants non plus (exemples de la Tanzanie[2] et du Sénégal). Bien que la théorie du socialisme africain repose sur des fondements culturels et spirituels clairement affichés, il a manqué à cette dernière une dimension économique opérationnelle susceptible de permettre une gestion rationnelle, efficace, efficiente et durable de l’économie. De plus, la théorie socialiste africaine n’a pas approfondi la place de l’Etat en tant que acteur économique. La question de la répartition des revenus n’a pas non plus fait l’objet d’une réflexion approfondie sur le plan théorique.

L’analyse de ce constat d’échec du développement en Afrique a permis de mettre en évidence les défaillances de l’Etat providence prôné au début des indépendances indépendamment des options de développement. Ces différentes tares étatiques ont été caractérisées de plusieurs manières : le trop d’Etat, l’Etat néo-patrimonial, l’Etat surchargé, l’Etat prédateur, etc. C’est cette faillite généralisée des options de développement des années 60  qui a amené de nombreux pays africains à changer de cap en adoptant des réformes économiques libérales vigoureuses connues sous le nom de Programmes d’ajustement structurel (PAS) sous l’égide des institutions de Bretton-Woods.

L’adoption généralisée des programmes d’ajustement par les pays africains après une décennie n’a pas permis de changer la structure profonde des économies de ces pays et partant d’amorcer un véritable développement. Cette situation est résumée par Jacquemot, P. et al (1993) en ces termes :

« À peu d’exception près, l’Afrique noire, à la fin d’une décennie  d’efforts d’ajustement, s’est retrouvée confrontée aux mêmes problèmes économiques structurels qui étaient les siens lors des indépendances : une subordination excessive à l’égard de l’exportation des produits de base, et donc une forte sensibilité aux variations des cours mondiaux, une base industrielle restreinte, une croissance lente des cultures vivrières et la non couverture  des besoins essentiels en santé et en éducation. »[3]  

 Au total, les résultats des PAS se sont révélés mitigés malgré le fait qu’ils aient connu plusieurs générations en termes de contenu ou en termes d’appelation. Déjà en 1988, la Banque mondiale avait fait le constat que les PAS dans le meilleur des cas ont permis de ne pas reculer. Une de leurs faiblesses fondamentales provient du fait qu’ils n’ont  pas traité les problèmes de développement de fond du continent au regard du contexte spirituel, culturel et social qui prévalait. Les questions existentielles ont été évacuées de ces programmes de développement à savoir quelle est la place des valeurs spirituelles et culturelles africaines dans le processus du développement ? La problématique de la gestion des ressources naturelles à long terme (dilemme entre une forte croissance économique de court terme et la préservation des ressources naturelles à long terme). Sur quelle vision globale fonder le développement ?

            Il faut ajouter que le devenir des sociétés et l’harmonie sociale ne sauraient être fondés seulement sur un ordre économique et social de court ou de moyen terme comme c’était le cas pour les PAS.      

            IVPour une approche holistique du développement en Afrique 

Étant donné que la crise du développement reste toujours actuelle malgré les stratégies de développement libérales adoptées par maints pays africains à partir des années 80, il importe de repenser le développement en tenant compte des avancées de la théorie du développement. Une telle réflexion nous amène à recourir à une approche holistique fondée sur une vision multidimensionnelle existentielle reposant sur les composantes ci-dessous esquissées :

  1. De la définition des besoins

Le but ultime de l’activité économique et sociale demeure la juste satisfaction des besoins manifestés par la société. Depuis la Grèce antique, cette problématique avait déjà abordée par Aristote qui distinguait deux types d’économie à savoir la chrématistique naturelle dont le but était de satisfaire les besoins domestiques et la chrématistique d’argent dont la finalité reste l’accumulation financière.

D’une manière générale, la définition des besoins à satisfaire pose la problématique de la conception d’un projet de société existentiel. Ce projet existentiel peut être d’ordre spirituel comme chez Platon ou d’ordre matérialiste comme chez Marx. Toutefois, la société idéale serait celle où les besoins spirituels et les besoins matériels seraient simultanément pris en compte selon la hiérarchie spirituel-matériel

Afin d’esquisser une telle société, commençons par définir les besoins humains. Pour ce faire, il est nécessaire convoquer le psychologue américain Abraham Maslow.      Dans le cadre de l’analyse des déterminants de la motivation Maslow a construit une  pyramide[4]  qui établit une hiérarchie des besoins de l’homme. Elle se présente comme suit :

Besoin de réalisation de soi

Développer ses connaissances, ses valeurs.

Créer, résoudre des problèmes

 

Besoin d'estime de soi

Sentiment d'être utile et d'avoir de la valeur.

Conserver son autonomie, son identité

 

 

Besoin d'amour, appartenance

Être aimé, écouté, compris.

Estime des autres

Faire partie d'un groupe, avoir un statut

 

 

Besoin de protection et sécurité

Propriété et maîtrise sur les choses,

emploi, se sentir en sécurité, faire confiance.

 

Besoins de maintien de la vie

Faim, soif, survie, sexualité, repos, douleur.

 

                                               Échelle de la hiérarchie des besoins selon Maslow

La pyramide des besoins construite par Maslow peut servir de tremplin pour mettre en exergue la triple dimension de l’homme à savoir sa dimension spirituelle, sa dimension psychique (mentale et émotionnelle) et sa dimension physique. L’épanouissement intégral de l’homme suppose une juste satisfaction de l’ensemble de ses besoins et que l’activité économique et socio-culturelle puisse y répondre.

Il est à noter que les différentes dimensions de l’homme sont hiérarchisées comme suit : premièrement, nous avons la dimension spirituelle, secondement, la dimension psychique et en troisième lieu la dimension physique. La conception d’un processus de développement durable devrait prendre en compte cette hiérarchie afin de ne pas provoquer des déséquilibres marqués entre les différentes dimensions du développement durable.

On peut également douter de la pertinence du postulat des économistes utilitaristes selon lequel les besoins sont illimités. En effet, une telle conception des besoins introduit un biais dans l’utilisation des ressources, qui se manifeste par des gaspillages et des externalités négatives pour la société (pollution, déforestation, désertification, perte de biodiversité, etc.). On pourrait fort bien concevoir un projet de société reposant sur une conception des besoins limités comme chez certaines sociétés africaines traditionnelles ou amérindiennes.

 

[1] Koné Moussa et al (2014), «Évolution de la couverture forestière de la Côte- d’Ivoire des années 60 au début du 21e   Siècle », in International Journal of Innovation and Applied Studies, Vol 7, N°2 2014 pp. 782-794.

[2] Selon P. Jacquemot et al (1993), « La signature de l’accord entre le FMI et la Tanzanie en octobre 1985 marque certainement un tournant pour l’Afrique : c’est l’acte de décès de la déclaration d’Arusha et du plan d’action de Lagos qui est signé ce jour-là et avec lui, l’enterrement de la « voie africaine du socialisme. »,  p.28.

[3] P. Jacquemot et al (1993), op.cit. , p.45.

[4] Papidoc.chic.com.fr 573 TabMas low1.pdf.

Tag(s) : #Actualité, #Société
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